Conversation avec Christian Ubl et Gilles Clément

À quelques jours de leur toute première représentation à KLAP Maison pour la danse à Marseille, le chorégraphe Christian Ubl et l’écrivain-paysagiste Gilles Clément finalisent leur création à quatre mains à L’Atelier de Paris CDCN. Ensemble, ils conçoivent Vagabondages & Conversations, une conférence dansée autour de la question du vivant.

Par Peter Avondo
Publié le 13/01/25

Christian Ubl, Quelle est l’origine de ce projet ? Christian Ubl : Ça commence il y a dix ans, quand j’ai rencontré Gilles lors d’une conférence. J’avais envie de travailler avec quelqu’un qui travaille le paysage. Puis j’ai invité Gilles à participer à l’élaboration d’un projet chorégraphique qui s’appelait A U pour lequel on s’est inspiré de ses textes. Après, le temps est passé, je l’ai invité aux spectacles, je lui ai demandé de faire une conférence, et il y a un an, je lui ai proposé de faire un spectacle sur la question du vivant, du jardin en mouvement en lien avec la danse.

Pour vous, Gilles, l’idée vous avait déjà traversé, de travailler de la sorte sur un spectacle ?
Gilles Clément : C’est pour moi quelque chose de très particulier. La première pièce, A U, ce n’était pas du tout la même chose parce que je n’étais pas sur le plateau. J’avais le point de vue d’un spectateur. Il y avait la rencontre entre deux pays du monde très différents, l’Autriche et l’Australie, ça m’intéressait beaucoup. Quand Christian m’a demandé si j’envisageais possible de faire quelque chose sur la question du vivant en allant avec lui sur la scène, j’avoue que j’ai été un peu étonné. Je n’ai pas l’habitude, je ne suis pas danseur.

En quoi consiste Vagabondages & Conversations ?
Gilles Clément : Toute la scénographie est imaginée par Christian avec toute l’équipe. Et je me contente de parler de temps en temps, avec quelquefois une voix off en plus. Ce qui est abordé, ce sont des sujets liés à la nécessité de comprendre le monde où on est. Ça commence par l’eau et dans l’eau, on ne peut pas vivre sans eau, et on finit par le brassage planétaire.
Christian Ubl : Oui, c’est une sorte de conférence dansée entre les paroles, le corps, le mouvement et l’écoute. Il y a aussi toute une interaction avec le spectateur, c’est un jardin en mouvement, mais de manière un petit peu mécanique, c’est le gradin qui bouge. On casse le quatrième mur, en quelque sorte. Et il y a la relation qu’on instaure entre nous qui est très importante, cette espèce de connivence, cette complicité qu’on crée. Nous sommes deux invités de Radio France Futur, une émission qu’on a inventée.Il y a des thèmes qui sont abordés pendant une heure, notamment comment les plantes et les animaux gèrent cette situation sur la planète, au contraire des hommes. On parle aussi de voyages, de déplacements, c’est confronté avec ma vie d’immigré, de vagabondage. Et Gilles danse. Ce n’est pas de la danse performative, c’est un peu dans le propos du spectacle, cette performance à tout prix.

Camille WEHRLE

Qu’en est-il de la scénographie ?
Christian Ubl : C’est assez épuré. On a des drapeaux, un praticable, des costumes, des lumières… c’est assez simple. Il n’y a pas non plus une performance esthétique, mais il y a une proximité avec les spectateurs. C’est vraiment l’humanité et l’humain qui sont au cœur de la réflexion.

Quelle serait la suite à donner à cette création ?Ça pourrait ouvrir à d’autres choses, d’autres spectacles ?
Gilles Clément : Je pense m’ouvrir sur d’autres choses peut-être encore plus politiques. À partir du moment où on a une réflexion sur la connaissance de l’espace où on vit et de comment il faut mieux vivre sans détruire, on entre sans le vouloir dans une notion qui est politicienne. Parce que ce n’est pas ce qu’on nous demande de faire aujourd’hui. Donc peut-être qu’on pourrait imaginer une autre façon de vivre en la mettant en scène.

Cette dimension politique, qu’en avez-vous fait sur Vagabondages & Conversations ?
Gilles Clément : En ce qui me concerne, je suis bien dans l’obligation de la prendre en considération. Je tiens des propos dans les conférences qui sont comme des temps politiques, mais ce n’est pas idéologique, c’est mécanique, c’est obligé.
Christian Ubl : L’idée, c’est de ne pas faire un spectacle politique. Mais de toute façon, tout spectacle est politique, parce qu’on travaille avec du vivant. Il y a déjà un engagement à rendre la chose sensible, à passer par le vecteur du corps. En soi, c’est déjà politique. Mais l’idée, c’est de ne pas créer de friction ou de confrontation. Ce n’est pas dans cet ordre-là. C’est un spectacle doux, mais qui doit éveiller les sens.

_Vagabondages et conversations_ Christian Ubl et Gilles Clément au Klap - j2mc-photo

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