Critiphotodanse | 11-02-20

Quand la danse s’ouvre à la magie…

Par Jean-Marie Gourreau 

Il nous surprendra toujours, ne se trouvant jamais là où on l’attend. Si Christian Ubl ne change pas réellement de casquette, ne le voilà t’il pas acoquiné avec un magicien-illusionniste pour mixer, malaxer, amalgamer, entrelarder… danse et magie ? Ce sont en effet de véritables tours de prestidigitation agrémentés de fort jolies pirouettes dansées et pleines de fantaisie (à la manière de pieds de nez…) que nous proposent Christian Ubl et son compère belge Kurt Demey dans ce Garden of Chance, avec, bien sûr, la participation aussi active qu’indispensable, du public ! Dès l’entrée du spectateur dans l’atrium du théâtre en effet, celui-ci se sent saisi par une sensation étrange de doute et d’irrationnel, s’interrogeant sur ce qui l’attend au tournant, car les hôtesses l’invitent tout de go à saisir deux photographies choisies parmi une pléiade d’images plus éclectiques les unes que les autres, étalées pêle-mêle sur une table de l’atrium, et à les conserver bien soigneusement par-devers lui durant le spectacle. Seraient-elles les atouts d’un tour de magie collectif ? Effectivement, après quelques préambules destinés à une mise en ambiance de circonstance, ce seront à de véritables tours de magie – entre autres, avec l’aide des dites cartes – auxquels sera convié le public, dans un spectacle particulièrement enlevé, la part prépondérante revenant bien sûr à cet art ;

Garden of Chance – Ph. J.M. Gourreau


mais ceux-ci seront largement entrecoupés de duos chorégraphiques désopilants, facétieux et pleins d’humour, dont la gestuelle s’avère empruntée aux arts de l’illusion et qui, bien sûr, ne dépareront pas avec les tours de prestidigitation.

En fait, ce que Ubl et Demey cherchent à mettre en avant au travers d’une telle expérience agrémentée de chansons populaires et transposée dans un jardin de verdure synthétique à la française, à l’instar de celui dont ils disposaient à la création de l’œuvre, c’est de nous inviter dans l’intimité de leur jardin secret afin de s’y impliquer. Finalement, la vie n’est qu’une succession de choix, parfois plus cruciaux les uns que les autres et, si l’on peut trouver des explications à certains de ces choix, d’autres en revanche ne sont pas toujours rationnels ; or, si le hasard fait souvent bien les choses, il laisse de temps à autre place à la surprise puis à l’étonnement. Et, comme nos deux compères – qui se complètent avec bonheur – le laissent entendre (ou, plus exactement, voir), ces choix suscitent des émotions très variables d’un sujet à l’autre et occasionnent dans notre organisme, tout comme lors des jeux de dés ou les courses, une bonne décharge d’adrénaline, voire, de son précurseur, la dopamine ! Outre le fait d’élargir et d’étendre l’éventail artistique de la danse, ce patchwork, particulièrement apprécié des jeunes spectateurs, aura permis d’initier le dialogue entre deux arts, ce à quoi nulle autre personnalité artistique n’avait encore songé auparavant.

En ouverture de la soirée, Christian Ubl avait choisi de présenter à son public Tabula rasa, une pièce chorégraphique créée pour « Coline », un centre de formation professionnelle pour danseurs-interprètes situé à Istres et dont il avait lui-même suivi la formation. Un ballet en noir et blanc d’une grande pureté et d’une remarquable construction géométrique spatiale, empreint de mysticisme et de tribal tout à la fois, conçu pour 12 danseurs sur une musique planante d’Arvo Pärt ; une pièce qui met en valeur la nécessité, les bénéfices et bienfaits de l’apprentissage mais, surtout, la musicalité et la parfaite maîtrise de ses interprètes.

Tabula rasa – Ph. J.M. Gourreau

Tabula Rasa & Garden of Chance /Christian Ubl, La Briqueterie, Vitry-sur-Seine, 6 février 2020.

Garden of chance a été créé le 17 juillet 2020 au Jardin de la vierge du Lycée St Joseph en Avignon lors de la 1ère édition du programme commun Festival d’Avignon / SACD, « Vive le sujet ! ». Ce spectacle a été également donné le 15 décembre 2019 à l’Espace Cardin, dans le cadre des représentations hors les murs du Théâtre de la Ville. La création de Tabula rasa, quant à elle, a eu lieu à la Maison pour la danse de Marseille, le 7 juin 2019.

CUBe est un projet chorégraphique subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication / DRAC DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur , le Conseil Régional PACA, le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, la Ville de Marseille, la Ville d’Istres. CUBe – Christian UBL est soutenu par le Forum Culturel Autrichien Paris.